La grosse enquête sur les faux audacieux

Peut-on se dire leader quand tout va bien ?

Publié dans Actus le 24 juin 2016 par lbbAdmin

Si vous demandez à des managers s'ils considèrent être de bons leaders, capables de prendre des décisions engageantes pour eux et l'ensemble de l'équipe, vous obtiendrez surement des réponses nuancées mais positives. Pourtant, les observations que nous faisons lors de nos ateliers d'improvisation auprès d'un public de cadres nous montrent le contraire.

Qu’appelons-nous décider ?

Pour la plupart des participants que nous observons, les décisions qu’ils prennent ne sont pas les leurs mais celles d’un processus d’analyse ou d’expérience. Je décide que nous allons procéder comme cela car mon expérience dans des situations similaires m’enseigne que c’est la meilleure méthode. Je décide que nous travaillons de telle façon car l’étude et l’analyse des indicateurs du marché m’indiquent que c’est la meilleure solution. Le manager, expert métier et analyste pointu, contribue au pilotage du travail de l’équipe en partageant son savoir et ses découvertes. C’est utile, raisonnable et profitable à la fois. Mais on peut légitimement considérer que ce n’est que le strict minimum. Ne pas mettre à la disposition de l’équipe ses connaissances et sa capacité d’analyse serait une faute professionnelle. Le manager ne fait pas ici preuve de leadership mais exerce une autorité basée sur la compétence. Sa décision est celle que, n’importe quelle autre personne avec les même éléments à sa disposition, aurait prise.

Dans nos ateliers, les participants sont régulièrement invités à décider pour eux-mêmes et le reste du groupe. L’exercice est conçu de telle façon qu’aucune bonne décision n’existe, pas plus que de mauvaise. Chaque joueur doit donc contribuer à l’effort collectif en prenant des décisions arbitraires, sans fondement ni justification. Aucune expérience, aucune analyse ne peut influencer la décision que devra prendre le joueur.

Rien ne bouge. Tout le monde se regarde et s’occupe et espérant que l’autre prendra la décision.

yannick

De quoi ont-ils peur ? Aucune décision ne sera mauvaise ! Rien ne leur sera reproché. Au contraire, la consigne est donnée à chacun d’accepter les décisions des partenaires comme étant des idées géniales et de les soutenir du mieux qu’ils peuvent. Profitez-en, vous avez le pouvoir !

Elle est justement là l’angoisse. C’est elle qui paralyse. Je vais devoir prendre une décision, sans pouvoir me justifier des raisons qui m’ont poussées à la prendre, alors même que cette décision engage l’ensemble de l’équipe. A ce moment précis, le leadership se fait plus discret dans la salle.

Nous touchons pourtant au coeur des enjeux du leadership. Les décisions les plus dures à prendre sont celles que nous prenons dans un environnement inconnu. Je ne sais pas où nous allons mais je choisis d’y aller car rien ne serait pire que de rester sur place. Quand la connaissance et l’analyse ne permettent plus de prendre un décision éclairée, (le marché a changé, les produits, les clients, les concurrents ont changé …) il faut pourtant faire des choix et emmener son équipe.

Le danger existe. Le pas que nous faisons dans l’inconnu peut nous mener dans un trou ou un mur. Mais chaque pas nous permet de reconstituer l’environnement dans lequel nous allons à nouveau pouvoir utiliser expérience et analyse. Et le risque d’échec est d’autant plus faible que c’est l’ensemble de l’équipe qui s’engage dans le mouvement, conservant alors sa cohésion, ses compétences et ses réflexes. Le risque est donc mesuré.

La vraie crainte est donc la peur du jugement et de la sanction. Dans l’impossibilité de pouvoir prendre une décision justifiée, l’aspirant décideur a deux possibilités :

Passer à côté d’un élément d’analyse décisionnelle est une faute. S’il apparait qu’il en existait, la sanction sera justifiée. La grande majorité des individus consacreront donc l’essentiel de leur temps à s’assurer que rien ne peut plus influer leur décision plutôt que de considérer que l’essentiel est de décider et de s’arranger ensuite pour que cette décision soit la bonne.

C’est la qualité des leaders. Elle est rare.