Le bonheur bien profond

Publié dans Actus le 2 mai 2019 par Antoine Lambert

Pourquoi il faut se méfier de quiconque préconise le bonheur au travail.

« L’égalité femme-homme ne se justifie pas, elle s’impose ». D’autres l’ont surement dit avant elle, mais c’est de la bouche de Réjane Senac que je l’ai entendu la première fois, et c’est de sa clarté que je tire aujourd’hui mes convictions.

Non, en effet la question de l’égalité entre les femmes et les hommes ne supporte pas d’être argumentée. Elle s’impose comme un principe, premier, non négociable.

Il en est de même avec le bonheur au travail. La littérature managériale s’enrichit ces derniers temps d’études extrêmement érudites nous expliquant que le bonheur est un levier stratégique de la performance de l’entreprise. Dans une économie de matière grise, la compétitivité repose sur la performance intellectuelle des collaborateurs. Heureux, les salariés sont plus créatifs, moins absents, moins malades, plus souriant, moins balonnés, plus du matin etc.

Au diable ces études et ces considérations ! C’est inutile. C’est même dangereux ! Le bonheur au travail ne souffre d’aucune justification. Il doit être un objectif, non parcequ’il est rentable, mais parce que tout autre choix serait un affront d’humanité. Si demain une étude prouvait le contraire (#le_bonheur_un_frein_pour_l’economie / #managementmagazine / #monculsurlacommode), alors nous devrions cesser dans les plus brefs délais d’oeuvrer au bonheur des équipes de l’entreprise ?

Je souhaiterais le bonheur de l’autre uniquement le jour où cela me rapportera de l’argent. Voila le credo que l’on peut lire entre les lignes des discours de bon nombre de dirigeant et de consultant qui semblent découvrir la notion de bonheur depuis quelques années.

Une entreprise est un projet économique développé pour répondre aux besoins de subsistance des individus qui la composent. La rentabilité financière, qui permet la rétribution de tous est donc naturellement la priorité. Elle est logique, légitime, et primordiale. Sans elle, l’entreprise meurt et avec elle les opportunités de rétribution de ses contributeurs. D’un bout à l’autre de la chaine hiérarchique, la responsabilité de chacun devient alors de tout faire pour contribuer à l’atteinte de cet objectif.

Mais s’il est économique, le projet devient collectif dès l’instant où l’entrepreneur choisit de s’entourer de collaborateurs pour le faire croitre. La responsabilité morale s’impose alors. Dès l’instant ou je choisis de faire partie d’une communauté, j’ai des devoirs envers les membres qui la composent. Ce qui est vrai pour une famille, un quartier, une association l’est tout autant pour une entreprise. Rechercher le bonheur des gens avec qui l’ont choisi de vivre n’est pas une option et ne sera jamais une orientation stratégique. C’est un socle. Le revendiquer, le communiquer, pire le justifier, devient alors presque suspect.

Soyons heureux, permettons à chacun de l’être, mais faisons-le sans clairon. Sinon, on se lassera et on passera à autre chose.